Chapitre 10. Les Onze
5 Novembre 3303, système Poséidon
“Nooooooooooooooooon !!!!!”
J’étais en train de chuter dans un puits sans fond, dans l’obscurité la plus totale. J’essayais tant bien que mal de me rattrapper aux parois mais je ne trouvais aucune prise. Mes ongles glissaient comme sur des vitres immenses. Je sentais la peur m’envahir, m’attendant à tout instant à me fracasser sur une dalle de béton. Un véritable…
“Cauchemar !!”
C’est le mot qui me traversait l’esprit lorsque j’ouvris les yeux. J’étais allongée sur une couchette rudimentaire, dans la cabine de ce qui semblait être un vaisseau Lakon. Nous étions bien loin des cabines de luxe auxquelles j’étais habituée lors de mes déplacements. Je n’avais pas la moindre idée de ce qui avait pu me conduire ici. Je portais la combinaison des pilotes de combat du Squadron, le blason du Consilium sur la poitrine.
Je me glissais hors de mon lit de fortune, et partis explorer cet étrange vaisseau.
Dans la coursive, je croisais des membres d’équipages en uniformes qui se dirigeaient en courant vers la salle de contrôle. Aucun ne semblait me voir, je me décidais donc à les suivre.
2h17…
Au détour d’un couloir, mon attention fut attirée par cette horloge murale, rappelant celles de l’ancienne époque terrienne. Détail amusant, l’aiguille de la trotteuse était immobile, comme bloquée.
Soudain, un flot de souvenirs des derniers évènements me frappa sans prévenir.
L’Obsidian…
Nous étions sous le feu ennemi, des dizaines de vaisseaux de combat étaient sortis de nulle part, comme s’ils connaissaient notre destination. Le temps des questions viendrait plus tard, si nous en réchappions…
– La Black Force est dépassée !! Mon dieu… Rapture, j’espère que vous avez un plan?
Ma voix tremblait d’émotion, et mes jambes étaient en coton. Le pilote, un vieux Rapture, me répondit d’un ton qui se voulait rassurant.
– Nous allons sauter à GD 1192 avant tout le monde. Ce vieux coucou est solide ! Et Rapture II me tuerait si je laissais détruire son bébé avec vous à l’intérieur !
L’Obsidian fut secoué violemment par ce qui semblait être une salve d’Accélérateur à Plasma. Les alarmes retentirent.
– Mais qu’allons nous faire une fois là-bas ?? Nous sommes perdus !
Je fus surprise par la stridence de ma voix.
– Je ne vois qu’une solution, une fois à GD 1192 je vous éjecterai puis je contacterai le patron par voie sécurisée afin qu’il vous récupère.
– Votre patron … ? Mais je SUIS votre patr…
Ma voix fut étouffée par le bruit du réacteur FSD qui s’enclenchait, préparant le vaisseau à un saut hyperspatial.
Quelques secondes plus tard, l’étoile de type A du système GD 1192 apparut et illumina tout le cockpit.
Le pilote sortit immédiatement de Super Cruise afin de ne pas être repéré.
– Madame montez dans la capsule !! Ils vont arriver !!
– Mais.. et vous ??
– Je vais continuer la route vers la station, pour leur faire croire que vous êtes toujours avec moi ! Allez !!
Le pilote me précipita de force dans la capsule n°27, enclencha le système de survie et verrouilla la porte avant que je puisse réagir. Sans lui je serais probablement morte à l’heure qu’il est. Je revois encore ses gestes précis, ne trahissant aucune peur, révélant un homme rompu à ces situations d’extrême urgence. Un héros, sans doute mort à l’heure qu’il est.
Il appuya sur le bouton d’éjection d’urgence, et la capsule fut expulsée hors du vaisseau. Je regardais l’Obsidian devenir de plus en plus petit par le minuscule hublot, jusqu’à le voir sauter en super-cruise.
A cause de la proximité de l’étoile, la chaleur devenait étouffante, et je n’avais aucun moyen de communication.
Les minutes passaient, la soif me taraudait, et la température ne faisait que grimper.
J’étais assaillie par les remords d’avoir sacrifié tant de vies pour une simple visite.
J’étais au bord du malaise…Tout se mélangeait dans ma tête.
Je revoyais le ballet des vaisseaux de la Black Force, dépassés par les assaillants… Bon sang ces hommes avaient risqué leur vie pour moi ! Et j’étais là à flotter stupidement pendant qu’ils se battaient…
Un détail refit surface. Lorsque le pilote m’installa de force dans la capsule, sa combinaison s’était entrebaillée, révélant un tatouage calligraphié à la base de son cou :
“Oudjat…”
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