8 septembre 3304, Centre de détention militaire de Gaultier de Varenne, système Munfayl.
Il la fixait du regard.
Pourtant, elle savait bien qu’il ne pouvait pas la voir au travers de ce miroir sans teint.
-Alors petite fille ! Elle est contente ? Elle va avoir sa vengeance ? Je sais que tu es là Alexandra ! Je sens ton odeur… Je m’en souviens comme si c’était hier, quand tu rentrais dans le bureau de ton oncle. Une pointe de vanille n’est ce pas ?
Luc se tenait là à ses côtés.
-Tu veux que je le fasse taire ?
-Non ce n’est pas la pleine.
-Tu es certaines que tu veux aller lui parler ?
En guise de réponse, elle rejoignit le couloir et entra dans la pièce d’audition.
KT Steinman était là, attaché et enfermé dans une camisole de force. Deux gardes de Phalange Noire étaient à ses côtés. Elle reconnut l’un d’eux:
-Agent Zak n’est ce pas ?
-Oui Madame la Porte Parole !
-Pouvez vous me laisser seule avec lui s’il vous plaît ?
L’agent Zak Diamond hésitait. Les ordres étaient clairs: personne n’était autorisé à rester seul avec le suspect.
-Madame, je ne pense pas que…
Alexandra le toisa du regard.
-Madame ce sont les ordres…
-Qui donne les ordres ici sinon moi, Sergent Zak Diamond ? Regardez bien autour de vous. Voyez vous quelqu’un d’autre?
Zak restait muet mais semblait vraiment gêné. Il baissa les yeux..
-Bien Madame..
Il fit signe de la tête au second de le suivre. Alexandra les accompagna jusqu’à la porte. Au dernier moment, en un clin d’œil, elle attrapa le pistolet automatique à la hanche de Zak alors qu’il franchissait le seuil, puis elle referma la porte et la verrouilla à double tour.
Les hommes de la Phalange Noire frappaient à la porte mais elle ne les entendait déjà plus. Elle se rêvait à poser le canon de l’arme sur la tête de Steinman et presser la détente.
Elle s’imaginait le bruit sourd de la détonation, puis la projection des matières cérébrales en arrière de la chaise, le regard du monstre figer sa douleur et pâlir instantanément. Elle voulait être la main de l’inéluctabilité de la justice. Pour son oncle, pour tous ces enfants mutilés par cet homme sans âme…
Le haut parleur se fit entendre, c’était Luc:
–Ne fais pas ça Alexandra ! Ce n’est pas à toi de rendre justice !
Sans même regarder au miroir elle répondit simplement que c’était à elle de laver l’honneur de sa famille en supprimant la source de toutes ces souffrances, de tous ces morts.
Steinman se mit à rire, tel un démon surgi d’une boîte:
-Je ne crains rien, Luc ! Cette petite fille est, tout comme son oncle, une faible. Elle rêve de gagner une guerre sans l’avoir jamais menée. C’est une idéaliste, une raisonnable, une inutile. Notre princesse en gants blancs ne sait pas ce que de salir les mains veut vraiment dire. Elle n’aura jamais le cran!
Alexandra avançait en silence vers lui, lentement. Au dehors les gardes essayaient d’enfoncer la porte pour pouvoir la retenir.
-Tu crois que je pourrais avoir avoir peur de toi, Alexandra ? Vraiment ? Regardes toi, ma pauvre enfant, tu es ridicule de vanité et d’orgueil, à vouloir exercer ta petite vengeance personnelle. N’as tu donc pas encore compris que ta misérable vie, la mienne, et celle de tous ces enfants n’a aucune espèce d’importance, comparé au sort qui attend l’humanité face au danger que représente cette vermine Alien?
Lentement, elle leva son arme et la pointa vers le crâne de Steinman, qui dans un sourire crispé s’avança pour coller son front sur le bout du canon.
Alexandra était comme ailleurs, envahie par une sourde colère intérieure. Le sang fouettait des tempes. Le haut parleur raisonna encore une fois:
–Karl n’aurait pas voulu ça Alexandra ! Tu le sais ! Écoute-moi pour l’amour du ciel !
Steinman poursuivi de plus belle
-Ton oncle ! Ce grand lâche qui préféra renier notre accord, après avoir fermé les yeux et s’en être mis plein les fouilles? Tu es de la même race que lui, Alexandra. Le même sang coule dans tes veines. En pressant la détente tu ne feras que mettre un pied de plus dans le camps des perdants, des ceux qui masquent leur lâcheté dans un drap de vertue. Comment pourrais je avoir peur de toi alors que même ta prédécesseur a échoué ? Elle a échoué malgré tout ce que son père a fait pour l’endurcir, la préparer à devenir une membre de l’Ordre…Pauvre petite chose, appuie sur cette détente ! Tues moi, et reprend le cours de ta misérable existence, celle d’une petite gestionnaire de faction bourgeoise, à la tête de mercenaires aussi avides que dégénérés !
Des larmes se mirent à couler sur les joues d’Alexandra. Elle était comme morte intérieurement, son esprit bouillonnait de pulsion de mort, de peur, de tristesse. Elle se sentait comme prise dans un piège, enfermée dans une pièce exiguë, sans issue possible, sans air pour respirer. La peur s’installait en elle, sa main se crispait sur l’arme mais une force surhumaine l’empêchait de presser la détente…
La porte céda soudain sous un dernier coup de Zak.
Alexandra tourna son regard vers celui qui venait d’entrer. Il se tenait debout sur ses deux jambes… Elle pensa qu’un ange venait la sauver au beau milieu des enfers. Elle laissa échapper un cri avant de s’évanouir.
–Uriel !