Chapitre 10. Les Onze
11 Septembre 3303: Crevit, siège de GIG
–Madame Gidh?
-Mademoiselle s’il vous plaît, je vous l’ai déjà dit ! Qu’y a t il ? Je suis en pleine préparation du prochain Conseil d’administration. J’avais demandé à ne pas être dérangée…
-Veuillez me pardonner, mais nous venons de réceptionner un paquet qui mérite je crois votre attention.
-Et bien ouvrez le donc, qu’est ce que c’est ?
-Je ne pense pas Madame, l’expéditeur mentionné est Mr Carl Gidh…
Alexandra sentit un frisson lui parcourir l’échine…
Alors qu’elle se relevait de sa chaise, elle se souvient de cette affreuse journée du 29 janvier 3302, celle où son oncle, Carl, était retrouvé mort, tué d’une balle en pleine tête alors qu’il arrivait au travail.
Le temps était pourtant magnifique ce matin là, la couleur chaude de l’aurore de Crevit semblait avoir baigné la tour GIG dans de l’or fin…
Elle revoyait le teint de cire de son oncle, les flashs des journalistes arrivés sur place, les forces de sécurité la retenant alors qu’elle venait d’arriver au bas de la tour, le sang couler sur le trottoir, le sang qu’elle avait eu temps de mal à enlever de ses mains, à s’en arracher la peau…
Carl n’ayant pas d’héritier, c’est à elle qu’il avait décidé de laisser ses parts dans l’entreprise. Elle s’était retrouvée catapultée à la tête de l’empire GIG à 28 ans à peine avec tout juste 2 années d’expérience passées aux côté de son oncle, après de brillantes études en management d’entreprise.
La période qui suivit fut un véritable calvaire pour elle, l’enquête et ses échos dans la presse finissant de détruire l’image de l’entreprise. Le “nettoyage” qu’elle dut faire en interne et la reconquête de sa clientèle lui avait pris une bonne partie de son énergie depuis, laissant derrière elle une jeunesse jusque là dorée et insouciante. Ce fut un combat de tous les instants mené pour la survie de l’entreprise. Elle le devait à Carl, il était son mentor avant même d’être son oncle. Elle l’admirait tant.
Alexandra était là, debout les yeux fixés sur le paquet, comme figée, la gorge nouée, incapable de prononcer un mot.
–Mademoiselle Gidh, vous ne vous sentez pas bien? Voulez vous que je fasse venir un médecin?
Elle s’avança et prit le paquet comme un prêtre l’aurait fait pour une relique sacrée, sans même adresser un regard à l’assistant. Elle reconnut l’écriture de son oncle: il écrivait comme les anciens, des lettres avec de grandes boucles, à la manière des calligraphistes, un de ses passe-temps préférés quand il ne travaillait pas…cela l’aidait à méditer disait-il.
–Laissez moi s’il vous plaît.
Une fois seule, elle prit une grande inspiration avant de décacheter le paquet.
Elle en sortit un tas de carnets de notes, et une lettre.
Et alors qu’elle commençait à la lire, le ciel de Crevit se mit à déverser à l’extérieur le torrent de larmes qu’elle était incapable d’avoir à cette instant précis.
Le 15 décembre 3301,
A ma chère Alexandra,
Tu reçois le jour de ton trentième anniversaire le seul cadeau que je devais te faire, celui que j’aurais dû m’offrir il y a longtemps déjà, la seule chose qui ait de l’importance.
Il est trop tard pour moi maintenant, et je n’aurais jamais eu le courage de t’avouer de mon vivant ce que tu vas découvrir dans ces notes.
Vérité est son nom.
Pourras tu seulement un jour me pardonner les horreurs dont je suis responsable…
…
Lorsqu’elle termina la lettre, elle appela son assistant
–Faites venir mon responsable de la sécurité s’il vous plaît.
-C’est noté. Vous avez un rendez vous prévu avec le directeur financier dans 10 minutes. Dois je le déplacer ?
-Annulez tous les rendez vous pour aujourd’hui.
-Que dois je lui expliquer ?
-Que j’ai une vieille dette personnelle à solder…
Quelques minutes plus tard, le chef de la sécurité était dans son bureau.
…
–Vous en es sûre? C’est une renégate aux yeux du Consilium je vous le rappelle. Cela pourrait être
considéré comme un acte de trahison!
-C’est surtout une amie de Crevit, ne l’oubliez pas ! Elle est la seule en qui je puisse avoir confiance pour l’instant. Capitaine, ma décision est prise: organisez moi au plus vite un rendez vous avec elle…
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