Chapitre 10. Les Onze
13 décembre 3303
La rééducation avait commencé depuis deux semaines. Le docteur était satisfait de ses progrès: il avait recouvré l’usage de ses membres supérieurs grâce aux stimulations musculaires quotidiennes. Et même s’il n’était pas encore capable d’écrire correctement, les progrès se faisaient jours à chaque séance de travail.
Alors que les électrodes s’affairaient à renforcer ses fibres musculaires, lentement mais sûrement, il lisait. Il voulait savoir ce qui s’était passé durant les 110 ans de son sommeil cryogénique, depuis sa dernière mission de reconnaissance qui l’avait amené à aller espionner cette base de l’INRA où le mycoïd fut mis au point. Je lui avais fait ouvrir l’accès aux archives du Squadron.
Il était dans un fauteuil roulant, consultant les dernières traces de la bataille de Lugh, celle qui vit la fin du premier Squadron et sa destruction par les zèbres verts, la fin d’un monde…son monde…
-Comment va notre survivant ce matin ?
-Comme quelqu’un qui a tout perdu: sa famille, ses amis, sa force, son job et son titre. A part ça, tout va bien, Madame la Porte-Parole. Je suppose que je dois vous remercier ?
Uriel Pineout, c’était son véritable nom. Il avait maintenant 137 ans même s’il n’en avait que 27 biologiquement parlant. À l’époque du Premier Squadron, il était Raptures X. Son dossier faisait mention d’états de services élogieux…au combat. En dehors de ca, il était dépeint comme une forte tête, plutôt acariâtre et bagarreur.
-Je ne peux pas refaire l’histoire, mais je peux vous proposer un avenir. Ca ne sera pas le paradis mais vous avez toujours votre place parmi les les Black Birds si vous la voulez.
Uriel s’approcha de moi, me fixant avec avec un regard sombre:
-J’ai combattu ces….choses, vous savez ? Je parie que vous n’en avez jamais vu autrement que sur vos écrans de contrôles… J’en ai abattu, j’ai frôlé la mort un paquet de fois et vu mes frères d’armes mourir sous mes yeux. J’étais fort à l’époque ! Regardez moi bien maintenant! Qu’est ce qu’ils pourraient bien faire d’un éclopé qui n’arrive même pas à se torcher le cul tout seul? Je n’ai pas besoin de votre pitié et de vos bons sentiments. Tout ce que j’avais est mort depuis longtemps. Vous auriez dû le laisser dans cette putain de caisse…
Je me redressais et le regardais de toute ma hauteur :
-Vos lamentations ne vous aideront pas plus qu’elle ne nous aideront à remplir notre mission, Raptures! Je vous rappelle que vous êtes un Black Birds, et vous allez obéir aux ordres qu’on vous donnera à moins que vous ne préfériez aller finir vos jours en allant mendier quelques crédits dans les coursives de Samson. Je ne suis pas une assistante sociale, ni votre psy! J’espère que c’est assez clair ?
Uriel était manifestement surpris de ma réaction. Il sembla réfléchir quelques instants…
-C’est quoi le plan ?
-Nous allons monter une structure permanente dans les Pléiades qui va assurer le ravitaillement et la formation des pilotes aux spécificités du combat contre les Thargoids. Je ne vous demande pas de combattre mais d’évaluer la situation et d’entraîner nos pilotes. Vous êtes évidemment celui qui a le plus de connaissances sur cette espèce, ou plutôt “ces espèces”. Il se peut que ceux que l’on croise dans le secteur de Mérope soit différents de ceux que vous avez combattus autrefois, je veux que vous alliez sur place pour analyser tout ca:. Vous pensez que vous pouvez faire ca pour le Squadron ?
Une petite lueur s’éclaira dans ses yeux. Et même s’il faisait la moue, je sus tout de suite qu’il avait déjà accepté.
-Puisque vous êtes d’accord, je vais annoncer à Rapture XLV que vous serez affecté à son département en qualité de conseiller dès que le médecin m’aura donné le feu vert pour vous laisser partir.
Je m’avançais vers la porte. Avant de l’ouvrir, je me retournais vers lui une dernière fois:
-Et ne vous inquiétez pas: je trouverai quelqu’un pour vous “torcher le cul” sur place si vous n’y arrivez pas encore tout seul d’ici là.
Sa seule réponse fut de m’afficher un large sourire…
Je ne pu m’empêcher de penser…il est vraiment un beau gosse…
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